Où en est la filière de recyclage de la gaine jetable en France ?

M. Bernard Le Moine, Délégué général du Comité français des Plastiques en Agriculture
est interviewé par Fleur Martin

« Je vous ai interviewé en 2019, au moment où la filière de recyclage des gaines jetables démarrait en France. J’aimerai faire un point avec vous sur l’évolution de la filière ».

 

1. L’organisation de la filière est-elle toujours la même ?

Oui, on ne change pas une équipe qui gagne : les fabricants facturent les écocontributions qui financent les opérations de collecte organisées par Adivalor. 

Les fabricants qui adhérent à la filière doivent afficher et facturer, en sus du prix du produit, le montant de l’éco-contribution par produit qui sera payée par l’agriculteur pour financer la filière. Ainsi, les fabricants assurent l’élimination, la récupération et le recyclage du produit, mais ils ne peuvent pas le faire tout seuls. Si le CPA gère les aspects financiers de la collecte, Adivalor en assure les aspects opérationnels (collecte, transport, pré-traitement et traitement) dans chaque département.

 

2. Est-ce que tous les fabricants de gaine ont adhéré à la filière ?

On peut dire que 98 % des fabricants ont adhéré à la filière. Ils s’y sont tous mis.

 

3. Il y a -t-il toujours 200 points de collecte en France ? Comment sont-ils répartis sur le territoire ?

Je n’ai pas les chiffres exacts mais ça a dû augmenter. Les volumes sont en croissance et les lieux de collecte également. Concernant la répartition sur le territoire, on est surtout dans les régions de maraîchage dans le Sud-Est, le Sud-Ouest et l’Ouest de la France. Les gros utilisateurs de gaine sont aussi les producteurs de melons dans le Sud-Ouest, dans le Poitou et du côté de Cavaillon. 

 

4. Pourquoi un distributeur décide devenir opéra­teur de collecte ? Quel est son intérêt ?

Le distributeur qui organise la collecte est partie prenante de la filière car ses clients lui demandent de le faire. Il a bien conscience que la mise en marché a évolué. Il ne suffit plus de vendre un produit mais il faut accompagner les agriculteurs dans l’utilisation du produit et les aider à gérer la fin de vie du produit. C’est devenu une des conditions de commercialisation et presque tous les distributeurs le font. Ils sont tous impliqués dans le passage de l’information et l’organisation des pré-collecte. Enfin, le retour d’image d’œuvrer pour un environnement propre et plus durable est positif pour lui. 

 

5. Les gaines sont-elles collectées chez l’agriculteur ou doit-il les apporter dans un des points de collecte ?

La gaine est un produit très léger mais très encombrant. Si l’agriculteur est capable de remplir une benne de 30 m3, on vient récupérer les gaines usagées dans son exploitation, mais les plus petits exploitants, qui ne sont pas en mesure de générer autant de volume, doivent les déposer sur un site de récupération. S’ils le souhaitent, ils peuvent demander que l’on vienne récupérer les gaines usagées chez eux, mais un surcoût leur est alors facturé si le volume est inférieur au standard.

 

We can say that 98% of the manufacturers are part of the scheme.

6. Comment les gaines sont-elles ensuite traitées et en quoi consiste le recyclage ?

Les gaines sont un produit simple à recycler car elles sont constituées d’un polymère très courant 100 % basse densité. Après la collecte, elles nécessitent une mise en balle pour partir au recyclage. Pour les recycleurs, le produit est intéressant car il est homo­gène et régulier. Une petite partie est réutilisée dans des produits agricoles, et le reste est réutilisé dans d’autres applications. L’intégralité des gaines collectées, 1700 tonnes en 2022 est recyclé.

 

7. Combien cela coûte, et comment ont réagi les agriculteurs à cette augmentation de prix ?

Pour les gaines souples d’irrigation, son montant, fruit d’un consensus entre les différents acteurs, a été fixé à 75 € HT/tonne au démarrage de la filière. Cependant les besoins financiers augmentent sous la pression de l’augmentation des volumes et de l’inflation sur l’énergie et le transport, très importante ces derniers mois. Ainsi, régulièrement, le montant de l’écocontribution est réévalué pour couvrir ces besoins. Aujourd’hui, elle se monte à 140 €/T.

Les agriculteurs plébiscitent l’organisation des collectes des plastiques agricoles en France. Certes l’écocontribution est un coût, mais il n’est pas supplémentaire et il permet une gestion saine et pérenne des plastiques agricoles. Le système est donc très avantageux pour les agriculteurs.

 

8. Que se passe-t-il pour les autres produits d’irrigation (PE d’enrouleurs, lignes de goutte-à-goutte…) ?

La filière n’intervient que lors nous sommes saisis de demandes. Or, ces autres secteurs ne sont pour le moment pas en demande.

 

9. Comment ça se passe dans les autres pays d’Europe ?

Il n’y a pas de filière équivalente à la nôtre en Europe. Les autres pays européens accusent un certain retard pour la gestion de la gaine par rapport à la France. L’avantage de notre modèle est que ce sont les différents acteurs qui gèrent eux-mêmes la filière (fabricants, distributeurs et agriculteurs).

J’aimerai également ajouter qu’il y a une nouvelle dimen­sion à la filière, le taux d’intégration des granules générés dans les nouveaux produits. Aujourd’hui, on est au démar­rage du mouvement, cette mesure a été mise en place le 1er septembre, avec  monitoring permettant de connaître la mise en marché des gaines avec des granules recyclés.

 

10. Comment voyez-vous les années qui viennent ?

Après plus de 20 ans passées dans cette activité, j’arrive maintenant à la fin de ma vie professionnelle. Tout au long de cette période j’ai vu s’opérer un important changement dans les mentalités, les attitudes et les décisions sur les questions de l’environnement. Dans ce contexte, l’agricul­ture française est véritablement à la pointe et très en avance par rapport à d’autres secteurs ou pays.

La tâche est immense, mais les années qui viennent bénéficient pleinement des expériences acquises ici. Les pouvoirs publics, français ou européens, voire mondial, ne s’y sont pas trompés en mettant en place ou réfléchissant à de nouvelles législations qui, loin de mettre en péril ces acquis, les intègrent et nous accompagnent pour toujours plus d’efficacité. La véritable leçon est qu’il faut faire confiance aux professionnels qui sont les plus à même à développer les solutions adaptées aux besoins des agriculteurs.

Dans les années qui viennent, les filières continueront de se développer sous l’impulsion des nouvelles géné­rations qui renforceront encore ce mouvement.