Depuis plus de 30 ans, Mont de Marsan chauffe certains de ses bâtiments par géothermie. Pour satisfaire aux normes environnementales, il lui fallait une solution pour le rejet de cette eau puisée à 2000 mètres de profondeur, encore chaude après utilisation. L’idée est venue à la chambre d’agriculture des Landes de faire un bassin de stockage dédié à l’irrigation.
Dans les années 70, une grande entreprise a découvert de l’eau chaude à Mont de Marsan à 2200 mètres de profondeur en faisant de la prospection pétrolière. Ne sachant quoi faire de cette eau, ils ont alors restitué les deux forages découverts, l’un au nord et l’autre à l’est de la ville, à la ville de Mont de Marsan, qui depuis utilise cette eau pour chauffer des bâtiments publics : la base aérienne, l’hôpital Sainte Anne, la caserne de gendarmerie et un bâtiment administratif pour personnes handicapées sont chauffés avec cette eau à 62°C.
Le seul souci est qu’après avoir utilisé l’eau, la ville la rejetait dans la rivière, alors qu’elle était encore chaude (autour de 40°C). Or, de telles pratiques sont interdites depuis 2006 (l’eau rejetée ne doit pas faire plus de 20°C). La ville a alors a envisagé de la réinjecter dans son milieu d’origine. Le coût d’une telle opération étant très élevé (6 millions d’euro), il fallait alors soit abandonner le forage, soit trouver une autre option.
La chambre d’agriculture a alors eu l’idée d’utiliser cette eau à des fins agricoles. C’est M. Rabe, conseiller gestion de l’eau à la chambre d’agriculture des Landes qui a suivi le dossier à l’époque. « On a imaginé un bassin de stockage sur des terres agricoles qui se trouvaient à 3 kilomètres du forage sur la commune de Mazerolles et qui étaient soumis à des restrictions d’eau en été », explique M. Rabe.
En effet, le bassin du Midiou était déficitaire. Quatre agriculteurs pompaient dans la rivière du Midiou pour irriguer leurs cultures de maïs ; M. Van Daele, l’un des agriculteurs irrigants explique : « Notre droit de pompage était toujours mis à mal par les restrictions. Chaque année, on était en restriction à partir du 14 juillet, juste pendant la période délicate de la floraison ». Et les effets de réchauffement climatique ont encore aggravé la situation ces dernières années.
Pour des raisons techniques et financières, le projet a mis 10 ans à sortir. « Pour fabriquer ce très grand bassin de 300 000 m3, on a sacrifié 8 hectares de culture » explique M. Rabe. La chambre d’agriculture a racheté 8 hectares à l’un des quatre exploitants. Il a également fallu démonter le pivot qui se trouvait sur la parcelle concernée.
L’eau est acheminée en hiver (période de chauffage) via une conduite souterraine et elle refroidit à l’air libre dans cet immense bassin de stockage de 300 000 m3. Une station de pompage hivernale a été prévue, pour compléter, en cas d’hiver doux, le remplissage du bassin avec l’eau de la rivière. Mais cela n’est pas encore arrivé en deux années de fonctionnement. L’eau du forage géothermique a suffi.
L’ouvrage a coûté 2 millions d’euros HT au total. De leur côté, les quatre agriculteurs regroupés en association, ont financé la station collective d’irrigation, le transformateur et le réseau de distribution pour un montant de 474 000 euros, dont 222 750 euros de subvention (région et Feader).
L’eau, puisée en profondeur, est naturellement légèrement radioactive. Selon M. Rabe, cette eau est aussi radioactive que l’eau de Bretagne, donc sans conséquence sur la composition des sols. Par mesure de précaution, le sol est analysé chaque année, et cela pendant trois ans. Mais selon M. Rabe, « c’est une simple formalité ». Chacun des irrigants disposent maintenant de 2200 m3 d’eau à l’hectare qu’ils peuvent prélever quand ils veulent. Pour la première fois en 2019, ils ont pu irriguer l’équivalent de 137 hectares. Et M. Van Daele reprend « L’objectif n’est pas d’irriguer plus, mais d’irriguer mieux ! Cela permet par exemple de s’arrêter d’arroser quand il y a du vent. Avant, à cause des restrictions, on arrosait dès qu’on pouvait. »
Les 4 agriculteurs ont des exploitations de taille moyenne, autour de 50 hectares (la plus grande fait 100 hectares), et cultivent essentiellement du maïs, mais aussi du tournesol, des haricots, du soja. Ils sont aussi éleveurs de volailles. M. Van Daele dispose quant à lui de 70 hectares de culture, dont 25 sont maintenant arrosés avec la retenue d’eau. Il cultive du maïs semence, du mais grain, du soja, des asperges et du sorgho. Il élève également des volailles et des bovins, à la prairie. Il irrigue essentiellement avec des enrouleurs et un pivot qu’il partage avec un autre agriculteur.
« Le chemin a été long et l’investissement important » reprend M. Van Daele. « Mais cela me permet de sécuriser les rendements et de garder mes contrats de production de semence ».
Grâce cette eau issue d’un forage géothermique et ensuite refroidie dans une retenue d’eau, les quatre points de pompage dans la rivière du Midou ont été supprimés, contribuant à l’équilibre quantitatif du bassin versant. Et nos 4 agriculteurs ne sont plus impactés par les restrictions d’eau qui avaient lieu chaque année. Ils sont sûrs d’avoir de l’eau quand ils en ont besoin, ce qui sécurise leur récolte.