Mis en œuvre depuis 2018, dans six pays du Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal,Tchad), le Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel (PARIIS) nourrit des espoirs.
Le défi majeur est de faire de l’agriculture irriguée, une solution des plus crédibles au développement des pays du Sahel.
Une ambition affichée au plus haut niveau
Dans l’espace Sahélien, l’une des régions les plus vulnérables du monde face au changement climatique, moins de 500 000 ha sont irrigués en maîtrise totale de l’eau, sur un potentiel irrigable de 2,4 millions d’hectares minimum en Afrique de l’Ouest.
Pour atteindre une production permettant à la fois, la sécurité alimentaire, l’accroissement des revenus et le développement de l’emploi, la question de l’irrigation est nettement apparue comme l’un des principaux facteurs de base dans le processus de l’accroissement des productions agricoles.
C’est dans ce contexte que six Chefs d’États du Sahel réunis à Dakar en octobre 2013, lors de la Conférence de Haut Niveau sur l’irrigation au Sahel, ont convenu, dans un élan commun, à travers la « Déclaration de Dakar », de combiner leurs efforts pour accroître le rythme et la qualité des investissements dans l’agriculture irriguée, sur la base d’une approche participative et systémique de résolution des problèmes et de développement de solutions d’irrigation adaptées.
L’objectif visé était d’augmenter sensiblement les investissements en matière d’hydraulique agricole pour passer de 400.000 hectares aujourd’hui à 1.000.000 d’hectares à l’horizon 2020, pour les six pays du Sahel.
Un projet pour opérationnaliser l’Initiative pour l’irrigation au Sahel
Le Cadre stratégique pour l’eau agricole au Sahel défini à travers l’Initiative pour l’irrigation au Sahel (2is) constitue une référence stratégique et technique dans laquelle la complémentarité et la synergie entre les actions et les initiatives dans les six pays peuvent se décliner dans la durée et permettre ainsi la mise en œuvre concrète des projets et des programmes d’irrigation, respectant une base commune de méthodes, d’outils, de processus performants et réplicables dans le temps et dans l’espace.
L’opérationnalisation de la ‘’Déclaration de Dakar’’ a été confiée à une Task Force régionale coordonnée par le CILSS et chargée de mettre en place un projet régional dénommé Projet d’Appui Régional à l’Initiative pour l’Irrigation au Sahel (PARIIS), avec pour objectif, d’« améliorer la capacité de planification, d'investissement et de gestion des parties prenantes et accroître les superficies irriguées pour la performance des systèmes d'irrigation dans six pays du Sahel ».
Premier projet opérationnel de l’Initiative, « Le PARIIS est en parfaite cohérence avec la volonté de nos Etats de sortir définitivement de la dépendance à plus de 90% de notre production agricole à une pluviométrie aléatoire et incertaine; et d’accroitre sensiblement et de manière efficace et performante l’usage des ressources en eau pour notre agriculture. Seules moins de 10% sont réellement valorisées », selon Dr Abdoulaye Mohamadou, Secrétaire exécutif du CILSS.
Le projet est basé sur cinq types d’irrigation que sont l’aménagement de bas-fonds et décrue contrôlée (type1) ; la petite irrigation individuelle privée (type2) ; l’irrigation communautaire (type3) ; la grande irrigation publique (type1) ; l’irrigation à travers le partenariat public-privé (type 5).
Les systèmes d’irrigation prévus bénéficieront directement à 58.600 producteurs, dont 35% de femmes et avec un accent particulier sur la petite et la moyenne irrigation.
Le nombre total de ménages bénéficiaires est estimé à 72.000.
Les superficies aménagées ou revitalisées sont projetées à 26.207 hectares, avec des solutions d’irrigation adaptées et un dispositif fonctionnel de gestion des connaissances pour l’amélioration continue des solutions d’irrigation.
Des résultats probants déjà engrangés
« Le PARIIS représente un changement de paradigme par rapport aux approches traditionnelles. Le projet ambitionne, dans son ensemble, de remodeler l’approche de développement de l’irrigation dans la région.
Le projet est construit autour du concept de « Solutions d’irrigation » et l’objectif est de doter les six pays, d’ici la fin du projet, d’un ensemble complet de solutions robustes pour les cinq types de systèmes d’irrigation définis dans le cadre stratégique, ainsi que des capacités pour les déployer à l’échelle », explique Frédéric Dabiré, Coordonnateur régional du PARIIS.
En termes d’objectifs quantitatifs, il est prévu la réhabilitation de 5378 ha d’aménagements existants dont 55% de type 1 (aménagement de bas-fonds et décrues contrôlées), 0% de type 2 (petite irrigation individuelle privée), 36% de type 3 (irrigation communautaire à petite échelle) et 9% de type 4 (grande irrigation publique) ; le développement de 20829 ha de nouveaux aménagements dont 60% de type 1, 22% de type 2 et 18% de type 3.
L’analyse de l'état d’avancement du projet fait ressortir de façon globale, un début d’accélération dans la réalisation des investissements sur le terrain. Les réalisations cumulées en termes de superficies nouvellement aménagées et réhabilitées à la date du 31 décembre 2021, sont estimées à 5364 ha, au profit d’environ 11 000 bénéficiaires.
Pour l’ensemble des six pays, l’année 2022 devra voir l’essentiel des aménagements réalisés. En effet, le pic en termes de superficies livrées y est attendu dans tous les pays, excepté le Mali, dont le pic est attendu en 2023.
En outre, on estime à près de 19 000 ha engagés sur le terrain à différents niveaux de préparation. Ce qui permettra d'accroître significativement le taux de réalisation physique en fin 2022, qui est une année charnière selon la planification pour l’ensemble des six pays.
Comme autres acquis, on peut également citer, la mise en place de groupes de partage de connaissances dans tous les pays qui discutent de meilleures solutions d’irrigation pour leurs pays ; l’aménagement des bas fonds désormais avec des solutions novatrices à travers le type 1; l’amélioration des systèmes existants sur le plan technique et sur le plan des modalités de financement pour l’expansion de la petite irrigation privé à travers le Type 2 ; des revues de systèmes irrigués de type 3 pour les rendre plus performants et plus faciles à mettre en œuvre ; un système d’information sur l’eau et l’irrigation qui peut aider les acteurs nationaux et régionaux à la prise de décision ; l’entame de la préparation d’un portefeuille d’investissements bancables à partir de l’actualisation d’études existantes dans les types 3, 4 et 5 et la mise à dispositions des pays par le CILSS, de conseils et d’outils performants et d’un espace d’échanges des connaissances et d’un Service d’informations régional sur les ressources en eau et l’irrigation (SIREI).
La mise en œuvre du PARIIS est basée sur une approche régionale structurée autour du CILSS – mandaté par les six pays parties prenantes pour assurer la coordination régionale et faciliter l’adoption et la mise en œuvre des réponses aux difficultés de mise en œuvre.
Le recours par le CILSS aux services des Partenaires stratégiques dans les types d’irrigation, vise à mobiliser au bénéfice des six pays, une assistance technique hautement qualifiée pour le développement des solutions d’irrigations mises en œuvre dans les pays et pour le renforcement des capacités des acteurs en matière de planification de l’irrigation et de mise en œuvre des solutions identifiées.
Le Pool d’experts de haut niveau mobilisés selon les besoins et à la demande des pays, est pour l’instant, pourvu de Consultants en grande hydraulique, finances rurales, Genre et Suivi-évaluation ; et pourrait s’élargir en fonction des besoins qui pourraient être exprimés par les pays et le CILSS.
Impulser une nouvelle dynamique à la recherche-action sur l’irrigation
Le Projet veut également impulser une nouvelle dynamique à la recherche-action sur l’irrigation dans les six pays du Sahel.
Des structures de recherche nationales sont impliquées dans la mise en œuvre des activités de recherche-action dans lesdits pays.
Ce sont notamment l'Institut de l'environnement et de recherches agricoles (INERA) au Burkina Faso ; l’Institut d'économie rurale (IER) et le Centre Mondial de Recherche en Horticulture (AVRD) au Mali, le Centre national de recherche et développement agricole (CNRADA) en Mauritanie, l’Institut national de la recherche agricole (INRAN) au Niger, L'Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA) au Sénégal, l'Institut tchadien de recherche agricole pour le développement (ITRAD) et le Centre de recherche d'innovation et de production technologique(CRIPT) au Tchad.
Il est envisagé un recueil des thématiques consensuelles pertinentes et réalisables par les pays et la création d’un Réseau de Chercheurs sur l’irrigation au Sahel.
Des signaux verts pour le futur
Avec environ 197,2 millions de dollars, la Banque mondiale est le principal bailleur de fonds du PARIIS qui suscite beaucoup d’engouement chez d’autres partenaires au développement.
L'Agence Espagnole pour la Coopération Internationale au développement (AECID) s’est engagée à apporter un financement additionnel au Projet d’Appui Régional à l’Initiative pour l’Irrigation au Sahel (PARIIS).
Ainsi, a-t-elle octroyé 15 millions d’euros au Niger, 15 millions d’euros au Sénégal, en attendant un déblocage de 10 millions d’euros pour le Mali.
L’Uemoa a également décidé d’engager des actions de développement des zones à potentiel élevé dans les États membres, notamment à travers une maitrise totale de l’eau pour l’agriculture.
Elle a ainsi décidé d’accompagner le PARIIS, en prévoyant dans son programme d’activités, l’extension de l’expérience dudit à quatre États membres que sont le Bénin, la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau et le Togo.
Des zones d’intervention ciblées dans chacun des six pays.
-Burkina Faso : Régions de la Boucle du Mouhoun, du Nord, du Centre et du Centre-Ouest, ainsi que les provinces de Houet et du Tuy (partie du projet financé sur don et à mettre en œuvre par la Société burkinabé des fibres textiles, Sofitex)
-Mali : Régions de Koulikoro (Cercles de Koulikoro et de Dioïla), Ségou (Cercles de Ségou et de Barouéli) et Zone Office du Niger
-Mauritanie : Vallée du fleuve Sénégal : Trarza, Brakna Ouest, Gorgol, Guidimaka ; Hors vallée du fleuve Sénégal : Adrar, Tagânt, Hodh el Gharbi, Hodh ech-Chargui, Assaba
-Niger : Quatre Régions administratives : Agadez, Tahoua, Dosso, Tillabéry
-Sénégal : Vallée du fleuve Sénégal, Région de la Casamance (Kolda et Sédhiou) et Bassin
arachidier (centre du pays)
-Tchad : Régions orientale (Ouaddaï, Wadi Fira et Sila), centrale (Guéra et Salamat), occidentale (Hadjer Lamis et Chari Baguirmi) et méridionale (Mayo-Kebbi Est et Ouest, Tandjilé, Logone oriental et occidental)
Le CILSS, bientôt cinq décennies au cœur du défi sahélien
Comme une réponse politique sous régionale aux effets adverses de la sécheresse et de la désertification, le Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) est porté sur les fonts baptismaux en 1973.
En droite ligne de sa vision, ‘Un autre Sahel est possible’’, le CILSS s’est imposé au fil du temps, comme un Hub régional incontournable pour embarquer les Etats dans des projets et programmes régionaux structurants ; et consolide un leadership régional de mise en œuvre des politiques et programmes de développement au profit de ses Etats membres.
Les actions du CILSS ont conduit la CEDEAO et l’UEMOA à faire de lui, leur bras technique en matière de sécurité alimentaire.
Ses actions sont déployées autour de la sécurité alimentaire et nutritionnelle ; la gestion des ressources naturelles et le changement climatique ; la maîtrise de l’eau ; l’accès aux marchés des produits agricoles et agro-alimentaires ; la Population, genre et développement.
En attendant d’autres pays qui manifestent l’intention de la rejoindre, l’Institution regroupe actuellement 13 Etats membres : Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’ivoire, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, Togo).
Tiégo Tiemtoré