Gestion centralisée de l’arrosage : exemple des villes d'Avignon et de Cavaillon

 

La communauté d’agglomération du Grand Avignon et la ville de Cavaillon, situées dans le sud de la France et dotées d’un climat méditerranéen, se sont récemment équipées d’un système de gestion centralisé de l’arrosage. 

Différentes par leur étendue et leur nombre d’habitants, elles rencontraient toutes les deux de gros problèmes au niveau de leur système d’arrosage très consommateur d’eau et difficile à gérer. Les techniciens responsables des espaces verts nous ont rapporté que, pendant des années, on arrosait sans tenir compte des conditions météo, de la nature des sols, des précipitations et du vent. Ces dysfonctionnements ont conduit ces deux agglomérations à procéder à un diagnostic de leurs systèmes d’arrosage et ont entraîné une réflexion sur l’opportunité de mettre en place une gestion centralisée très flexible et adaptable à tous les types d’espaces verts. Ces systèmes de gestion centralisée permettent de protéger la ressource en eau, de réduire les coûts d’entretien et de mettre en place un système d’arrosage adapté aux besoins réels des espaces verts.

De la théorie à la pratique, nous vous ferons découvrir dans les pages suivantes tous les avantages que l’on peut retirer de tels systèmes.

 

De la théorie : exemple de la communauté d’agglomération du Grand Avignon

 

Afin de réduire ses coûts de fonctionnement tout en préservant la ressource en eau, la communauté d’agglomération du Grand Avignon a implanté une station météo Rain Bird entièrement autonome qui permet une gestion centralisée et raisonnée de l’arrosage. Sept sites sont pour le moment équipés, permettant des économies substantielles en matière d’énergie et de consommation d’eau. Le Grand Avignon sou­haite étendre ce dispositif à la grande majorité de ses espa­ces verts communautaires dans les années futures.

 

Arroser selon les besoins.

Cette station permet de calculer l’évapotranspiration des végétaux, c’est-à-dire les pertes réelles d’eau évaporée par le sol et les plantes dans la journée. « Trop arroser a des conséquences aussi néfastes que de pas assez arroser » explique M. Juan, technicien du Grand Avignon. Ce système, qui équipe déjà de très nombreux golfs, permet des économies d’eau de l’or­dre de 25 à 45 % par an. Outre la préservation de la ressource en eau, cette station permet égale­ment une économie en terme d’énergie (avec des pompes qui ont été récemment équipées de moteurs qui consomment 25 % d’énergie en moins), et une réduction des coûts de fonctionnement. Ainsi, à la moindre anomalie ou dysfonctionnement sur le réseau, l’ordinateur détecte le secteur touché et une intervention est programmée.

 

Des avantages considérables.

L’arrosage est programmé la nuit où l’évapotranspiration est au plus bas. Sans cet outil, il était impossible de savoir précisément la quantité d’eau dont les espaces verts avaient besoin d’une journée à une autre. « Con­séquences : un arrosage inadapté entraîne un gaspillage de la ressource en eau, une vulnérabilité aux maladies, un compactage du sol et une sur-utilisation des stations de pompage, ce qui génère également des surconsommations d’énergie » nous précise Jean-Michel Juan. Aujourd’hui, grâce à la gestion centralisée de l’arrosage, le Grand Avignon a réduit ses budgets de fonctionnement, les entretiens, les tontes de gazon, l’utilisation de produits phytosanitaires, les factures énergétiques. De plus, le Grand Avignon a désormais un suivi en temps réel de son réseau d’arrosage. Les techniciens du Grand Avignon connaissent parfaitement l’inventaire terrain, ce qui a permis de calculer au plus juste l’ETP (Evapotranspiration potentielle). Chaque électrovanne a été identifiée avec un diagnostic précis du matériel, arroseurs, tuyères ou gouttes-à-gouttes. La pluviométrie de chaque station a été calculée et de nombreux paramètres liés au sol, taux d’infiltration, capacité de rétention d’eau, ont été ajustés.

Il est possible d’affiner aujourd’hui, électrovanne par électrovanne, la pluviométrie de chaque station en différenciant les secteurs à l’ombre des secteurs exposés plein soleil, plein vent, par un coefficient cultural.

 

Le fonctionnement de la Gestion centralisée de l’Arrosage.

Le système de gestion centralisée Rain Bird Maxicom2 permet de gérer l’arrosage des espaces verts à partir d’un emplacement central. Le programme informatique d’irrigation peut communiquer avec toutes les composantes du système d’irrigation, programmateurs satellites, pompes et stations météorologiques, pour déterminer à quel moment et en quelle quantité l’irrigation est nécessaire. Ce système accroît énormément l’efficacité et la qualité de la distribution de l’eau, tout en permettant d’avoir le temps de reprogrammer les programmateurs satellites Rain Bird EPS-Site, pour ouvrir ou fermer les réseaux d’arrosage. De plus, il sera informé ins­tan­tanément des débits, de fuite ou autres anomalies du système d’arrosage.

 

La station météorologique.

Une station météo, autonome, puisqu’elle fonctionne grâce à un panneau solaire, relève six paramètres, la vitesse du vent, la direction du vent, les radiations solaires, l’humidité, la pluviométrie et la température. Ces informations sont envoyées chaque jour à un ordinateur qui calcule « l’ETP » l’Evapo­transpiration Potentielle, exprimée en mm d’eau, et non plus en durée d’arrosage, c’est-à-dire les pertes réelles d’eau évaporée par le sol et transpirée par les végétaux. L’ordinateur appelle, via des interfaces de communication, les sites délocalisés pour envoyer les programmes d’arrosage. Chaque matin, l’ordinateur récupère ce qui s’est réellement passé sur le terrain et enregistre les dysfonctionnements. Les temps de fonctionnement réels sont comparés aux temps de fonctionnement calculés et toute anomalie est analysée.

 

À la pratique : exemple de la ville de Cavaillon

 

La ville de Cavaillon a récemment implanté un système de gestion centralisée pour l’arrosage de ses espaces verts. Quatre sites sont actuellement équipés, permettant des économies d’eau et d’énergie importantes. La ville souhaite étendre ce dispositif à l’ensemble de ses espaces verts.

Par une belle journée d’automne, je me suis rendu au service espaces verts de la ville de Cavaillon, accompagné de Francis Manuel, de la société Hunter. Là, nous sommes accueillis par Pierre Verger, res­ponsable du service, Nicolas Charreton, son collaborateur, Émilien Estre, de la cellule arrosage et Damien Gros, du service informa­ti­que. Nous nous dirigeons vers une des serres : « Nous venons de recevoir les bisannuelles. Nous les avons stockés dans cette serre en attendant de les planter. La serre sert aussi de lieu d’expérimentation » explique M. Verger. Le service espaces verts dispose de trois grandes serres (900 m2 au total), pour les massifs vivaces, les massifs floraux et les plantes de manifestations. «Nous avons entre 16 000 et 20 000 plants à la rotation?», ajoute M. Verger. Les trois serres sont équipées de systèmes de brumisation pour l’arrosage. « En ce moment, on arrose deux fois par semaine, mais en période chaude, on doit le faire tous les jours » explique M. Charreton.

Le service espaces verts emploie 21 personnes au total et gère 40 hectares d’espaces verts (30 hectares en ville auquel s’ajoutent les 10 hectares du jardin conservatoire du Grenouillet). Depuis trois ans, un local est spécialement dédié à l’arrosage avec une partie stock, une partie atelier et un bureau. « Dans le stock, on trouve des raccords de toutes les dimensions, des arroseurs, des programmateurs, des électrovannes et des solénoïdes », explique Émilien Estre. Dans le bureau, il me montre l’ordinateur équipé du logiciel de gestion centralisée. Sur l’écran, on peut visualiser chaque site avec les consommations d’eau en temps réel. Le logiciel compare en permanence le débit instantané au débit paramétré. En cas de dépassement ou de sous-débit notoire, l’électrovanne en question est suspendue et une alarme est générée par faciliter le dépanage. Ce logiciel est relié aux interfaces (ou programmateurs) qui se trouvent sur le terrain, équipé d’un modem et d’un lecteur de carte GSM (autre option : on pourrait également avoir une commu­nication téléphonique filaire et un système avec IP). Ainsi, l’utilisateur peut mettre en route, arrê­ter ou reparamétrer l’arrosage de son ordinateur ou de son smartphone.

 

Quatre sites équipé de la gestion centralisée.

Actuellement sur Cavaillon, quatre sites sont équipés de la gestion centralisée.

Nous nous rendons avenue Charles de Gaulle, premier site à avoir été raccordé en 2007. À l’époque, la ville faisait de gros travaux sur l’avenue pour le raccordement au réseau d’eau brute du canal Saint Julien sous pression, avec un budget de plusieurs dizaines de milliers d’euros. C’est à cette occasion que le service espace vert a vendu l’idée d’une gestion centralisée pour l’arrosage, un tel projet entrant difficilement dans le budget classique du service espaces verts d’une petite ville. Sur ce site, deux programmateurs gèrent 30 stations, auxquelles vont bientôt s’en ajouter 15 nouvelles. Nous entrons dans un local en bordure de l’avenue dans lequel il y a un filtre, des électro­vannes et deux program­mateurs.?Actuellement, 80 % des espaces verts de la ville sont arrosés avec l’eau brute du canal Saint Julien, seul l’hyper centre-ville est encore arrosé avec de l’eau potable. L’eau brute doit être filtrée avant d’être utilisée pour l’arrosage. Ce réseau permettait autrefois d’arroser les potagers de la ville.

Deux programmateurs ACC Hunter gèrent les 30 stations du site : l’avenue de 890 mètres, la police municipale, le tour du cimetière, les cités, la MJC et l’école. Il s’agit de programmateurs classiques avec multi­câblage ; ils sont mixtes ; il suffit de changer l’interface pour avoir un système à décodeurs. Un seul des deux programmateurs est équipé du modem téléphonique, et une liaison câblée les relie. « si un arroseur est volé ou détérioré, l’arro­sage s’arrête car le surdébit est détecté via les capteurs had’oc neutralisant la station concernée, ce qui permet à l’utilisateur de le remplacer » explique M. Charreton. Cette fonctionnalité est très utile dans les quartiers où le vandalisme est fréquent. En cas de pluie, l’arrosage peut être coupé grâce à la station météo qui est couplée à des programmateurs. L’information sera relayée aux autres programmateurs du système qui couperont à leur tour après avoir communiqué avec l’ordinateur central. Lors de l’exercice 2008, la nouvelle installation a permis de réduire les coûts de l’arrosage de 27 %. La première tranche de travaux a été amortie en seulement deux ans et demi. Nicolas Charreton poursuit : « Nous allons bientôt ajouter une station météo au dispositif. Elle mesurera l’humidité relative, l’ensoleillement, la pluviométrie, le vent, la température et paramétrera l’arrosage en fonction de tous ces éléments ».

Émilien Estre et Damien Gros mettent en route l’arrosage depuis leur ordinateur. Nous nous dirigeons vers les pelouses qui bordent l’avenue Charles de Gaulle. Certaines sont arrosées avec des arroseurs traditionnels (Rain Bird), d’autres avec du goutte-à-goutte enterré (Netafim). Le goutte-à-goutte enterré est posé sur un lit de sable, entre 8 et 10 cm de profondeur et les lignes sont espacées de 33,5 cm. Plus court, plus dense et plus régulier, le gazon arrosé en goutte-à-goutte enterré semble de meilleure qualité. « Tous les ans, on reconditionne une bande en goutte-à-goutte enterré » explique M. Charreton. Un peu plus loin le long de l’avenue, de la terre fraîchement retournée est prête à accueillir un massif de fleurs. « Il reste encore des massifs fleuris aux abords de la ville. Dans le centre-ville, la tendance est plutôt à la minéralisation. On enlève les massifs floraux pour les remplacer par des jardinières ».

 

Des ronds-points à thème.

 Au bout de l’avenue, un rond-point avec pelouse, mûriers, cocons géants de vers à soie et roue à eau évoque le patrimoine historique de Cavaillon. Il est entièrement arrosé en goutte-à-goutte enterré. Un nouveau programmateur va bientôt alimenter le rond-point, le début de l’avenue du Général de Gaulle et l’avenue Mendes France. Ces 15 nouvelles stations permettront de décharger le réseau général de la ville pour alimenter les jardins de la cité.

Un peu plus loin, un second rond-point orné de pelouses, d’arbres de Judée, de pommes et de poires géantes, spécialités de la région, devrait être bientôt raccordé à la gestion centralisée. Le rond-point était arrosé avec de très vieux arroseurs, mais compte tenu de l’arrivée d’eau modeste par rapport à la surface arrosée, il était impossible de remplacer les arroseurs par des tuyères. La ville a donc opté pour des MP Rotator de chez Hunter, ce qui permet d’avoir un système uniforme en pluviométrie (10 à 12 mm/h). Depuis sept ou huit mois, ce rond-point est également arrosé en eau brute car le canal passe à proximité. L’eau est filtrée et envoyée dans les réseaux via une vanne régulatrice. Sur ce site, un programmateur gère

7 stations, et permet l’arrosage du rond-point. Sur les bords, les terre-pleins sont plantés de pelouse et de jachère. Ces massifs fleuris annuels (cosmos, œillets…) sont ressemés à chaque printemps et meurent au début de l’hiver. M. Verger explique « Cet hiver, nous allons semer de la moutarde ; on la fauche, on l’enfouit, ce qui fournit de l’engrais vert pour replanter les annuelles au printemps suivant. »

Dans le quatier des Ratacans, une aire de jeu pour enfants au milieu d’un lotissement est arrosée en gestion centralisée. « Pour le moment, notre rôle a été de reverdir, mais un jardin aromatique de découverte pour les enfants est en projet ». Un programmateur à décodeur avec deux câbles sur piédestal (car il n’y a pas d’électricité) permet de gérer l’arrosage du site.

 

Aujourd’hui, à Cavaillon, 57 stations au total sont raccordées à la gestion centralisée. Ce nouveau système a permis de supprimer de nombreux programmateurs autonomes et de regrouper les installations afin de les centraliser. À la fin de l’année, l’objectif est d’en avoir 89, et d’arriver à 100 stations fin 2013.