France : la campagne maïs 2019 impactée par le réchauffement climatique et la baisse des cours

Les conditions climatiques françaises se sont avérées stressantes pour les cultures et ont affecté, à des degrés divers, l’ensemble des productions maïsicoles : grain, fourrage, semence et doux. Le démarrage de la campagne a été ralenti en mai avec un début de cycle froid. Les agriculteurs ont du attendre que le sol se réchauffe et ont parfois procédé à des re-semis. Puis en juin, au moment de la floraison, il a fait chaud et sec dans le Nord-Est et le centre de la France. Les premiers semis sont arrivés à floraison dans une période très sèche, ce qui a affecté les rendements. Seul le Sud-Ouest de la France a bénéficié de meilleures conditions climatiques.

 

Des rendements impactés pour l’ensemble des productions maïsicoles

 

Après 5 années d’érosion, les surfaces semées en maïs grain ont connu une hausse de l’ordre de 5 %

par rapport à 2018 pour atteindre 1,43 Mha en 2019. Cette hausse est généralisée sur l’hexagone, avec toutefois des hausses significatives sur certaines régions où des surfaces supplémentaires ont été implantées pour compenser les défauts de semis de colza. La production nationale 2019 atteindra 12.3 millions de tonnes,et e rendement moyen, bien en-deça de la moyenne quinquennale de de 96.7 qx/ha masque de fortes hétérogénéités. Les résultats sont, sans surprise, au rendez-vous pour les cultures irriguées, à l’exception des zones impactées par les arrêtés d’irrigation ; les conditions climatiques de l’année montrent une fois de plus, tout l’intérêt du stockage de l’eau pour sécuriser la production.

 

Les surfaces emblavées en maïs fourrage en 2019, autour de 1,4 million d’hectares, restent relativement stables par rapport à la moyenne quinquennale. Les mêmes difficultés ont affecté les cultures fourragères et les résultats seront également hétérogènes en quantité - de 6 à 18 t MS/ha – comme en qualité. Les rendements sont en baisse un peu partout, de 30 à 50 % inférieurs à la normale dans certaines régions. Les régions Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Centre, Auvergne, Bourgogne, Franche-Comté et Lorraine sont celles où le maïs fourrage, très peu irrigué, a le plus souffert de la sécheresse. Avec les difficultés climatiques de la campagne, qui ont affecté toutes les productions fourragères, le besoin en stocks fourragers a conduit à des récoltes de parcelles, initialement prévues en grain, en fourrage. Nous estimons à 50 000 ha environ ces transferts de maïs grain vers du maïs fourrage.

 

En maïs doux, le programme de production français s’est légèrement contracté en 2019. Il affiche une baisse de 6 % à 22 200 ha. Cette valeur reste pour autant supérieure à la moyenne des 5 dernières campagnes (2014- 2018). La production de maïs doux en agriculture biologique poursuit son développement avec près de 1 600 ha en 2019, soit plus de 7 % du plan de production total. Les premiers semis d’avril et début mai ont connu des conditions d’implantation difficiles et peu poussantes (manque de rayonnement, faibles températures avec gelées début mai) qui ont pénalisé les rendements. Par la suite l’augmentation des chaleurs à partir de juin a permis de compenser ce retard et d’offrir de bonnes conditions de développement aux semis plus tardifs qui affichent eux de bons résultats. Au global le niveau de production devrait donc être conforme aux objectifs. A l’échelle de l’UE, le programme de production est en baisse d’environ 3 % et les résultats de plusieurs pays producteurs devraient être pénalisés par la sécheresse.

En maïs semence, Le plan de production français a connu une seconde année de hausse consécutive en 2019. La surface de multiplication a augmenté de 13 % à 68 500 ha. La hausse sur 2 ans s’élève à 18 %. Le programme mis en place cette année est ainsi conforme à la moyenne des 5 dernières campagnes (2014-2018). Cette hausse des surfaces s’observe plus généralement dans le reste de l’UE, mais elle est proportionnellement plus marquée en France. La France renforce ainsi sa position de leader de la production de semences de maïs dans l’UE avec une quote-part en progression qui s’établie à 46 %. Cette évolution s’explique en grande partie par l’augmentation des surfaces de maïs au sein de l’UE estimée à environ + 520 000 ha, essentiellement en maïs grain. Le pic de chaleur survenu fin juillet, soit en période de floraison, et la sécheresse, ont pénalisé le résultat technique de l’année. L’impact est variable selon les secteurs mais au global, le résultat technique moyen sera inférieur à l’objectif national et voisin des 90 %.

 

La baisse des cours

Le chiffre d’affaires moyen d’une exploitation française est en recul de 10 %, mais cache de fortes disparités. Les agriculteurs ont pâti de la baisse du cours européen ces derniers mois sous l’effet de la situation américaine et de la forte présence du Brésil sur la scène internationale. Le cours de l’échéance 2019 a baissé par rapport à 2018 : il est passé de 172 € par hectare à 164 € par hectare. Les importations, ukrainiennes et brésiliennes en particulier, qui ont connu un rythme record depuis juillet, ont pesé sur les cours : plus de 6 millions de tonnes au 20/10 contre 3.9 millions de tonnes à la même date entre 2016 et 2018.
Le Président de l’AGPM Daniel Peyraube affirme : « Il faut en finir avec cette habitude d’ajouter toujours plus d’entraves et des contraintes à la production française tout en facilitant les importations des pays tiers ».  La France subit des importations venant de pays qui ont accès à des moyens de production différents des moyens de production français. Par exemple, les coûts de production de maïs français sont de 150 € par hectare alors que certains pays comme l’Ukraine produisent pour 80 € par hectare. Et il reprend « On ne peut pas continuer à importer des denrées que l’on ne peut pas produire sur le territoire et dont le consommateur ne veut pas ».
Pourtant les attentes citoyennes sont légitimes et la maïsiculture s’est engagée dans la transition vers une moindre utilisation de produits phytos, en témoigne le faible IFT de la culture. Mais pour aller plus loin il faudra lever certaines incohérences et pouvoir :

  • S’adapter au changement climatique grâce à la mise en place d’infrastructures de stockage de la ressource en eau, partagée avec d’autres acteurs et dans le cadre des projets de territoires 
  • Faire la promotion de technologies d’irrigation permettant d’économiser l’eau et aider les agriculteurs à s’équiper et à bien utiliser le matériel.
  • Protéger le revenu des agriculteurs grâce à la mise en place d’un dispositif assurantiel efficace et simple. La PAC actuelle permet de faire évoluer le dispositif national à condition que la volonté politique soit là.
  • Refuser les accords internationaux facilitant l’importation des produits dont les consommateurs ne veulent pas. Les Etat de l’UE doivent cesser de creuser les écarts de compétitivité à la défaveur de leurs agriculteurs et de tromper leurs concitoyens qui consomment, sans le savoir, toujours plus de produits dont ils condamnent les modes de production.    

 

Evolution du marché européens : dynamique des surfaces grain et fourrages

 

En 2019, on note une augmentation des surfaces semées à l’échelle de l’UE 28 (+4%, à 14.8 Mha). Cette évolution est liée à un contexte de prix plus favorable au moment des semis (mais toujours très volatil) et des impacts sur semis de colza et de céréales d’hiver dans plusieurs pays. La sole maïs fourrage augmente légèrement pour reconstituer le stock après une récolte 2018 impactée par la sécheresse. En Europe de l’Est, le maïs poursuit son développement (+6%), notamment en Ukraine, Russie et Biélorussie.

Pour les prochains semis (2020), les surfaces de maïs devraient au moins se maintenir au niveau de 2019, étant donné que les semis de colza ont à nouveau été compliqués en France, Allemagne, Roumanie, Ukraine notamment. Les arbitrages seront faits en fonction des évolutions de prix comparées maïs / céréales sur les marchés. Pour le maïs fourrage la sécheresse subie en 2019 rend nécessaire la reconstitution de stocks fourragers et devrait favoriser une légère hausse des surfaces dans l’UE aux prochains semis.

Diminution des stocks de semences de maïs à l’échelle de l’UE :

L’observatoire « Bilan doses » mis en place au niveau de l’interprofession met en évidence un niveau de stock revu à la baisse. Cela s’explique d’une part par des aspects liés à la ressource : une production 2019 inférieure aux objectifs à l’échelle de l’UE (~ 92%). D’autre part, des aspects de marché interviennent également : demande en hausse pour les semis 2019, et qui devrait au moins se maintenir pour les semis 2020. Soulignons par ailleurs que des stocks de semences traitées (Mesurol / Thiram) vont sortir du bilan pour cause d’évolution de la réglementation à l’échelle de l’UE.