Un agriculteur français développe l’asperseur décrochable et la canne de descente réglable en hauteur

Laurent Deyres et son frère Didier ont une exploitation agricole de 800 hectares au Porge (Gironde), en France, avec 95 % de surface irriguée par pivot et rampes frontales. Dans cette région, l’eau très ferrugineuse, corrode les travées des pivots et bouche les asperseurs. Laurent Deyres a développé une invention qui permet de résoudre ce problème et en facilite l'entretien.

Le père de Laurent Deyres a créé l’exploitation en 1978 avec 60 hectares de culture de maïs. Il réinvestissait tout ce qu’il gagnait chaque année, pour augmenter la surface de son exploitation. Lorsqu’il est décédé en 1989 et qu’il a transmis l’exploitation à ses fils, la ferme ne comptait pas moins de 340 hectares.

Laurent Deyres explique : « Je suis tombé dans l’irri­gation à l’âge de 14 ans. Avant, nous étions équipés de travelers venant des États-Unis (chariot qui se déplace supportant un canon d'irrigation). Les premiers pivots sont arrivés ensuite en 1981 et 1982».  Et il ajoute : « Aujourd’hui, la ferme compte 22 pivots, 13 rampes frontales représentant 157 travées et 1500 asperseurs.  ».

Il y a 30 ans, la ferme des Deyres était en monoculture (ils produisaient uniquement du maïs), puis, ils se sont progressivement diversifiés avec des cultures de hari­cots, de carottes, de soja et ont converti une partie de leur exploitation en bio. Sur les 800 hectares cultivés, entre 200 et 250 hectares étaient en bio, notamment une partie de la production de tomates, de soja et de maïs doux.

Depuis quelques années, le bio s’est complètement effondré et Laurent en train d’arrêter progressivement, pour tout remettre en conventionnel. « Mon neveu a récupéré 70 hectares après avoir défriché la forêt et s’est installé en bio, ce qui est obligatoire après avoir défriché. Il se retrouve dans une situation très compli­qué aujourd’hui » explique M. Deyres.

Au début, les Deyres ont acheté des pivots de marque Otech. Laurent Deyres a ensuite préféré s’orienter vers la marque Valley, car le constructeur américain propose des pivots avec revêtement intérieur en polyéthylène, qui permet de protéger les travées de l’usure, la corosion liée à l’eau ferrugineuse. De plus, les pivots Valley, équipés de l’armoire Icon5, proposent un système de télégestion très performant. Le construc­teur fournit aussi le téléphone avec une carte téléphonique multi-opéra­teurs. Ainsi, lorsque le réseau n’est pas très bon, les utilisateurs peuvent capter l’opérateur qui a le meilleur réseau.

« Cependant, malgré la télégestion je suis obligé de faire le tour de mon exploitation tous les jours pour vérifier que mes asperseurs ne sont pas bouchés » explique Laurent Deyres. Il parcourt cha­que jour 200 kilomètres avec son 4 x 4.

 

“When we switch off the pivot, some of the deposited particles settle in the bend formed by the pipe instead of finding their way to the sprinklers.

 

En effet, la politique de garantie des fournisseurs de la technologie à revêtement Polyspan contraint à s’équi­per de cannes de descente avec asperseurs « tête en bas » afin que l’eau ne se dépose pas sur les travées du pivot et ne l’abime pas. Bien qu’elles présentent de nombreux avantages, les cannes de descente avec asperseurs tête en bas sont plus sensible au bouchage, à cause de l’accumulation de dépôt de fer dans les asperseurs. « Au bout de 3 ans, j’avais beaucoup de buses et d’asperseurs bouchées » explique Laurent Deyres. L’agriculteur était alors obligé d’intervenir très sou­vent sur le pivot, en hauteur, afin de débou­cher l’asperseur. « Nous étions obli­gé de le faire à deux, et de nous munir d’une échelle ».

Et il ajoute : « Un soir, il y a 8 ans, alors que j’étais à 4 mètres de hauteur pour nettoyer les buses,  je suis tombé, je me suis blessé assez sérieusement et j’ai été immobilisé pendant plusieurs mois ».

M. Deyres décide alors de mettre en place un système pour lutter contre le bou­chage des asperseurs et faciliter leur débouchage.

Pour empêcher le colma­tage de ses asperseurs et pour éviter les accidents, Laurent a inventé un système sur-mesure : il a décidé de revenir à des asperseurs tête en haut, et a rallongé le tuyau des cannes de descente afin de l’accrocher sur un tirant avec un système de support, créant ainsi une courbe dans le tuyau. Il explique : « Lorsque l’on éteint le pivot, une partie des dépôts stagnent au bas de la courbe que forme le tuyau, plutôt que d’aller jusque dans l’asperseur».

Lors de la remise en marche du pivot, les dépôts s’évacuent petit à petit, ce qui limite les bouchons, et donc le nombre d’interventions de Laurent.

Il doit tout de même intervenir de temps en temps, car ce système limite mais ne suppriment pas complète­ment le bouchage. Mais désormais, il intervient depuis le sol, ce qui évite accidents : « Je décroche le tuyau avec une perche, le descends, débouche l’asperseur et le remets en place ». Et il ajoute : « En plus, cela me permet de gagner du temps, car les interventions peuvent se faire pendant le fonctionnement du pivot, au milieu du champ ».

Il a alors décidé de déposer un brevet afin de pouvoir fabriquer son invention en série et d’en faire bénéficier d’autres agriculteurs confrontés aux mêmes problé­matiques que lui. « Il fallait que ce soit industrialisable », ajoute M. Deyres.

Il a alors contacté une association bordelaise, TRANS-TEC, qui aide les petits inventeurs comme lui à faire breveter leurs inventions et a amélioré son système, en y ajoutant la possibilité de régler les cannes de descente à différentes hauteurs.

En effet, une étude de l’Inrae (Institut National pour la Recherche Agronomique et de l’Environnement) a montré que d’adapter la hauteur du jet aux conditions météos permet de lutter contre la dérive et l’éva­poration, et ainsi, de faire des économies d’eau.

« J’ai adapté mon système pour pouvoir modifier la hauteur de l’asperseur à tout moment » ajoute M. Deyres.

Pour cela, il a retourné la buse en la fixant directement au tuyau, avec deux pièces similaires reliées par un boulon. Le boulon crée une articulation, et ainsi, la courbe est conservée. La pièce peut alors glisser le long du tuyau retenu par un ressort afin de changer la hauteur de l’asperseur,  et avec l’articulation, il est possible d’ajuster l'orientabilité de l'asperseur.

« Ainsi, on peut irriguer en bas, à 30 ou 40 cm et remonter au fur et à mesure que la culture pousse », ajoute Laurent Deyres.

Pour résumer, ce système présente trois avantages : outre l’accessibilité des asperseurs pour déboucher les buses, le système de Laurent Deyres permet de faire des économies d’eau, et il résout le problème de l’eau chargée en fer.

Aujourd’hui, Laurent Deyres est prêt à installer sa solution chez d’autres agriculteurs. La fabrication des pièces est déjà industrialisée. Il est à la recherche de partenaires pour distribuer son invention, qu’il a baptisé « Asperseurs décrochables Polyvalents EC’eau ».