Pivot, enrouleur ou goutte-à-goutte… Bien choisir son système d’irrigation en fonction des cultures, du climat, de la main-d’œuvre, de l’énergie…

Jadis majoritairement effectuée à la raie, l'irri­ga­tion propose aujourd'hui une large gamme de techniques, pivot, canon-enrouleur ou goutte-à-goutte, permettant à l'agriculteur de remplir deux conditions primordiales : la performance et la durabilité de l'équipement. Les différentes techniques ne sont pas forcément adaptées ou adaptables à toutes les cultures, ce qui rend le choix de l'équipement difficile selon les diffé­rentes modalités pouvant être prises en compte : le climat, le sol, la culture, l'énergie. Sur cultures pérennes, il est judicieux de se doter d'un système de micro-irrigation pouvant être de l'aspersion ou du goutte-à-goutte. L'aspersion, lorsque les gouttelettes sont de petites tailles, convient mieux à un sol battant ainsi qu'à un sol plutôt sableux où le bulbe d’arrosage sera plus étalé. En revanche, le goutte-à-goutte conviendra parfaitement à un sol à faible réserve utile de par sa possibilité à effectuer des tours d'eau répétés. De plus, il n'y aura pas création d'un halo humide comme avec l'aspersion, halo qui pourrait apporter des risques de moisissures chez les cultures fragiles telles que les tomates, les poivrons ou les pommes de terre. Dans les régions ventées, le goutte-à-goutte est à privilégier afin de mieux contrôler l'uniformité de l'arrosage. Dans les régions à fort risque de gelée, l'aspersion sur-frondaison est nécessaire, avec une faible taille des gouttes et un faible débit. Cependant, cette aspersion se fait le plus souvent en dualité avec un système arrosage sous-frondaison. En effet, l’aspersion sur-fron­daison n’est pas adaptée à une bonne irrigation standard pour les risques sanitaires qu’elle peut créer en maintenant une humidité des feuilles.

En cultures annuelles, deux cas se présentent : 

Sur les cultures maraîchères, il est possible d'utiliser de la micro-aspersion et du goutte-à-goutte.

La micro-aspersion apportera, comme vu précédemment, des risques fongiques sur les cultures sujettes à moisissures. En revanche, elle sera plutôt préconisée pour d’autres, comme la grande famille des salades. Dans le cas de cultures fragiles, il sera alors préférable d'adopter du goutte-à-goutte, encore plus évidemment 

si les cultures sont sous tunnel. La pose de deux rangs de gaines, de part et d’autre du semis permettra, sous tunnel, de rafraîchir le sol et de le maintenir à une température stable, bénéfice appréciable en régions méditerranéennes où le sol peut monter à près de 70 °C au cours de la journée. De plus, l’arrivée sur le marché des gaines jetables (fonctionnelles durant une campagne) permet de mieux varier les asso­lements et d’éviter la contrainte de l’entretien des gaines tout en entraînant cependant une plus grande quantité de déchets. 

Sur grandes cultures le pivot-rampe et le canon-enrouleur sont les deux matériels les plus utilisés à l'heure actuelle.

La pertinence du choix de tel ou tel équipement va grandement dépendre du foncier de l'agriculteur et du morcellement des parcelles. Sur un parcellaire très morcelé, le canon-enrouleur sera plus adéquat dans le sens où il est facilement transportable avec le tracteur. Le réglage de l'angle d'arrosage permet de s'adapter à différentes formes de parcelles. De plus, il permet de varier facilement les assolements. 

Le pivot-rampe, en revanche, est plutôt adapté à des grands parcellaires nécessitant une irrigation annuelle. Cependant, les progrès techniques effectués sur le pivot-rampe, tels que le VRI, apportent une bonne efficience de l'arrosage et une bonne régulation de son intensité, efficience pouvant se rapprocher de celle de la micro-irrigation. Ces deux techniques sont par contre moins indiquées en régions ventées et il est conseillé d'arroser la nuit et de faire des rotations horaires afin de limiter les effets de dispersion dus au vent et d'évaporation. Le canon-enrouleur et le pivot-rampe ont également l’avantage de pouvoir être utilisés sur une large gamme de topographies parcellaires. 

De plus en plus, le goutte-à-goutte est utilisé sur cultures annuelles ou pluriannuelles comme la canne à sucre.

Afin de permettre un labour, même s’il doit rester superficiel (< 30 cm), le goutte-à-goutte enterré est préféré au goutte-à-goutte de surface. Le goutte-à-goutte enterré permet ainsi d'apporter de petites doses régulières dans le cas d'un sol à faible réserve utile, mais aussi de pouvoir automatiser l'arro­sage. Dans les régions à faible pluviométrie, il peut être nécessaire de coupler l'aspersion au goutte-à-goutte enterré afin de réaliser une irrigation de levée et permettre aux racines d'atteindre le bulbe d'arrosage de la gaine enter­rée. L’enterrement des gaines rend possible l’irrigation de parcelles proches d’habitations ou de bâtiments, mais aussi celles de parcelles de toutes formes rendant impossible l’irrigation par les moyens d’aspersion ordinaire. Ce système est en outre particulièrement adapté aux cultures en semi-direct et permet aux sols battants de rester aérés. Enfin, le goutte-à-goutte enterré rend possible la fertirrigation et permet d’apporter les nutriments directement au système racinaire grâce à une cuve à fertilisants raccordée à la station de pompage. En revanche, le semis et l’écartement doivent être soigneusement étudiés au préalable afin d’assurer l’homogénéité de l’arrosage et de ne pas créer un effet de vague dommageable pour le rendement. Les rotations de cultures seront ainsi à régler en conséquence. On veillera également à ce que le sol soit relativement homogène sur toute la surface de la parcelle pour ne pas créer de déséquilibre hydrique avec, là aussi, des effets négatifs sur le rendement global à la parcelle. Le goutte-à-goutte enterré n’est pas non plus indiqué sur des parcelles de plus de 3 % de pente à cause de l’infiltration des eaux qui dévierait les flux vers le bas de pente et priverait les plants situés sur les hauteurs d’une bonne alimentation hydrique. Enfin, niveau machinisme, les engins circulant sur la parcelle (moissonneuse-batteuse, remor­ques) doivent arborer des pneus basse pression afin de prévenir le compactage du sol qui empêcherait la capillarité et la remontée du bulbe d’arrosage dans le sol.

Pour terminer sur les grandes cultures, la couverture intégrale avec sprinklers peut être installée sur des parcelles aux contours difficiles.

Cela dit, son installation puis désinstallation doit se faire à chaque campagne, travail qui peut vite être contraignant. Comme toute aspersion, elle devient très peu efficiente à la levée d’un vent supérieur à 30 km/h. Cependant, sa flexibilité permet d’optimiser des terrains difficilement cultivables et de faciliter la rotation des cultures. 

L’irrigation par aspersion reste la plus présente actuellement sur le marché, avec près de 80 % des surfaces équipées. L’aspersion, de par les avancées techniques effectuées (VRI, automa­tisation) notamment sur pivot, permet­ une forte efficience pouvant atteindre les 80-90 % et donc rivaliser avec la micro-irrigation. Le pivot peut-être automatisé grâce à des capteurs installés dans le sol relayant les informations à une base informatique, et certains fonctionnent aujourd’hui à l’énergie solaire entraînant un faible coût de main-d’œuvre et d’énergie. Le canon-enrouleur, en revanche, doit être installé sur les parcelles et n’est pour l’instant que peu automatisé. Un surplus de main-d’œuvre est donc nécessaire. Dans tous les cas, ces deux techniques sont énergivores et demandent des pressions allant de 7 bars pour le canon à 12 bars pour le pivot. Elles sont en revanche peu sensibles à la qualité de l’eau et peuvent utiliser des eaux de surface sans avoir à les filtrer auparavant. Ce n’est pas encore le cas pour l’eau usée traitée et des recherches sont en cours afin d’évaluer la dispersion des différentes particules après aspersion. En terme de durée de vie, le pivot a la plus grande longévité avec près de 20 ans d’estimation de temps de vie, contre 7 à 10 ans pour le canon-enrouleur. 

La micro-aspersion présente l’avantage de pouvoir accueillir des eaux de surface (eaux de réseaux gravitaires) sans pour autant avoir besoin d’une pression supérieure à 3 bars en entrée de parcelle. Elle n’est cependant efficiente que sous certaines conditions (voir plus haut). 

Quant au goutte-à-goutte, il permet d’auto­ma­tiser l’irrigation et de n’avoir qu’un besoin minime de main-d’œuvre lors de l’installation et de l’en­tre­tien du réseau. L’entretien du réseau doit se faire annuellement afin d’éviter les risques de colmatage et de fuites. La filtration de l’eau d’irri­gation est obligatoire, encore plus lorsque l’eau utilisée est de l’eau de surface. Celle-ci, forte­ment chargée en matière organique, risque au fil du temps de créer des biofilms à l’intérieur des goutteurs et de gêner, voire stopper l’écoule­ment de l’eau. Une station de filtration (filtre à tamis et/ou filtre à sable) en amont de la parcelle est de rigueur afin de ne pas diminuer l’espé­rance de vie du matériel (estimée à 5-10 ans). En addition de la station, un bon entretien est requis. Pour ce qui est de l’énergie, une basse pression (1 bar) en entrée de réseau est demandée, ce qui entraîne de faibles coûts énergétiques, même si les arrosages sont plus fréquents. La produc­tivité énergétique (kW/kg récolté) en est ainsi améliorée. 

En ce qui concerne les gaines jetables, un systè­me de filtration de l’eau est tout de même requis afin de ne pas boucher les goutteurs tôt dans la campagne. 

Pour toutes les techniques d’irrigation, il est sou­vent intéressant, voire nécessaire, d’effectuer des formations afin d’intégrer au mieux les nouveau­tés et la technicité de l’arrosage. Celles-ci peu­vent être dispensées par des organismes tels que les chambres d’agriculture ou peu­vent être résumées dans des fiches pratiques (ex : fiches « Eau Fertile », par l’ARDEPI). Il n’existe pas une solution miracle en matière d’irri­gation car les conditions climatiques, pédo­lo­gi­ques ou foncières peuvent faire varier, au sein d’une même production, les techniques qui seront les plus efficientes et durables pour l’arro­sa­ge d’une culture donnée dans un environ­nement donné.