Tour Verte : Bientôt une forêt verticale en plein Paris ?

 

La hauteur est le sujet écologique dé­battu dans toutes les municipalités : la ville ne peut s’étendre indéfiniment sur les espaces libres, et la densification passe alors par une surélévation du tis­su urbain. Bénéficiant d’une exception au plafond parisien des 37 mètres, l’édifice culminant de la tour M6B2, située dans le XIIIe arrondissement de Paris, atteint les 50 mètres. Végétalisée à l’aide d’espèces issues de milieux sauvages, la tour de la biodivervisité sera bientôt recouverte de végétation.

 

L’opération comporte au total trois bâti­ments accueillant 140 logements sociaux, 1 200 m2 de commerces et une crèche associative. La tour « M6B2 » accueillera à elle seule 95 logements sociaux et des commerces en rez-de-chaussée, et sera recouverte de végétation d’ici  à 5 ans.  Au centre, un jardin s’étend, comme une pro­lon­gation de la façade végétale,  jusqu’aux pieds des deux autres bâtiments. Ces derniers, plus bas, aux géométries fran­ches et aux façades métalliques (zinc, aluminium), sont postés de part et d’autre, tenant les angles des rues.  L’un accueillera 30 logements sociaux, et l’autre, une crèche associative. On peut alors déam­buler dans le jardin protégé, comme hors de la ville, entre arbustes et tapis de bruyère.

 

Une prouesse scientifique

 

M6B2 est en fait la dénomination de parcelle. La tour a été nommée Vertical Caméléon par son architecte Edouard François. « Le » spécialiste » de l'architec­ture urbaine écologique, à qui la ville de Montpellier doit par exemple « L'immeuble qui pousse », et Paris la première « Tower Flower », bâtie il y a 10 ans dans le quartier de la Porte d'Asnières (XVIIe), avec ses pots de fleurs géants suspendus à tous les balcons. Mais cette tour de 50 m et 18 éta­ges dessinée par Edouard François est encore plus novatrice. Voire, carrément scientifique.

L'immeuble est conçu en titane, un matériau qui a la propriété, à une certaine température et sous une certaine énergie électrique, de changer de couleur sans au­cun apport de matière. Après un an et demi de travail et d'essais, l’architecte a trouvé la bonne fluorescence, et l'immeuble aura la couleur exacte de la mousse. De quoi faire de ce HLM du futur un véritable conser­vatoire de botanique.

Plus étonnante encore est la dimension végétale donnée à l'immeuble. Edouard François s’est associé à l’école Du Breuil, spécialisée dans l'enseignement de l'amé­nagement paysager. Pour valider la « faisa­bilité de planter et d'entretenir de la végé­tation sur les façades », un protocole scien­tifique a été mis en place. L’école  a récolté des graines sauvages dans toutes les forêts d’île-de-France, selectionnées pour leur capacité à pousser dans des lieux et dans des conditions extrêmes. Vingt deux espèces ont été récoltées puis semées à l’école dans de longs tubes en inox de 25 cm de diamètre dans un mélange de terre, de sable et de compost ; et cela sans aucun apport nutritif et avec un arrosage limité. L’expérience a duré 3 ans.

Et la suite est vraiment  spectaculaire : pour faire pousser ces arbres, l’architecte Edouard François s’est inspiré des sapins, en monta­gne, qui parviennent à se déve­lop­per dans des endroits incroyables, sur des parois rocheu­ses, avec peu de terre. Au total, 285 tubes abritant des arbustes issus d’espèces sau­vages ont été accro­chés aux balcons de la tour. On y trouve des chênes, des pins, des arbus­tes... qui pourront atteindre jusqu’à 5 mètres de hauteur.  Et plus on monte, plus il y a d’ar­bres. Au dernier étage, sur le toit, dans une grosse quantité de terre, a été plantée une forêt où oiseaux et insectes pourront venir se réfugier. Au total, 500 arbres ornent la tour.

 

L'arrosage de l’ensemble est automatique

 

Nous nous dirigeons vers la tour recouvert de titane avec Florent Poissonnet, de la société JFL Concept,  qui a dimensionné  le système d’arrosage de l’ensemble. Les études d’arro­sage du projet M6B2 ont débutées en 2012. Ces études ont été associées à un accompa­gnement pour un protocole d’essai de végéta­lisation sur 2 ans (2013/2015) réalisé avec l’école Dubreuil et afin de répondre à la demande de Paris Habitat. Avec le protocole d’essai, le résultat permet d’observer un enracine­ment sur toute la hauteur du substrat du tube au bout de 2 ans. Le protocole a également permis de valider le mode opératoire pour la mise en place du sub­strat, du goutte-à-goutte et des plantations.

Dans le sous-sol, un local technique abrite une station de surpression, un program­mateur à décodeurs avec télécommande, un filtre  et une pompe doseuse distribuant des engrais.

 

De là sont alimentés en eau et pilotés les diffé­rents systèmes d’arrosage du projet, à savoir :

• l’arrosage de la tour M6B2 (7 vannes électriques),

• l’arrosage du jardin du rez-de-chaussée (5 vannes électriques),

• l’arrosage des jardinières sur le toit de la tour (une vanne électrique),

• l’arrosage de la toiture végétalisée de la crèche (3 vannes électriques),

• l’arrosage des jardinières en bois sur la toiture du bâtiment de l’avenue de France (une vanne électrique)

L’ensemble est arrosé avec de l’eau potable. Un réseau primaire chemine au niveau -1 et -2 ainsi que dans des gaines techniques. La station de surpression est implantée dans un local technique au niveau -1. Elle est composée de deux pompes fonctionnant en alternance et permettant une sécurité en cas de panne. En raison des dénivelés important avec la tour, cette station était nécessaire car le réseau d’eau potable ne permet pas de répondre à la pression nécessaire pour l’ensemble du projet. Le filtre à lamelle a une finesse de 130 µ. L’ensemble de l’eau d’arrosage passe  à travers celui-ci. Pour la pompe doseuse, elle est associée à un By-pass. Elle sera en fonctionnement lorsque des apports  d’engrais seront nécessaires. Le programmateur qui pilote l’ensemble de l’installation est un ACC de Hunter.

 

Nous montons ensuite au dix-septième étage de la tour (R+15).

 

La vue sur Paris est à couper le souffle.

Les tubes inox verticaux de 3 m de long (2,5 m de substrat) et de 25 cm de diamètre sont arrosés avec un goutte-à-goutte Unitechline de Netafim  implanté au centre du tube dans le substrat. Il a fallu coordonner la mise en place du substrat et la plantation des arbres afin de maintenir ceux-ci cons­tam­ment au centre du tube. Un goutteur complémen­taire au sommet des tubes a été implanté afin de compléter et d’ajuster les besoins en eau suivant les plantations et l’exposition. L'Unitechline, conçu pour adapter l'arrosage enterré à tous types d'espaces verts, et les goutteurs com­plémentaires Techflow permettent de répondre aux différents besoins du projet dans le temps. En haut de la tour, les tubes inox sont très proches les uns des autres, alors qu’aux étages les plus bas, ils sont beaucoup plus éloignés. Le nombre de tube est de 36 par étage en haut de la tour, puis 18, 9 et 5 par étage. La végétation est par conséquent plus dense sur la partie haute de la tour.

Les implan­tations des canalisations secon­daires sont variables et permettent de répondre aux différentes contraintes (cour­be, résistance, vandalisme, …). Les canali­sa­tions sont en inox, en acier galvanisé, en PVC et en polyéthylène. Dans les gaines techniques de la tour, un réseau primaire en PVC a été installé et permet d’alimenter les vannes électriques pour l’arrosage. Les implantations de celles-ci sont variables et permettent d’alimenter des grou­pes d’étages suivant les contraintes hydrauliques, afin d’équilibrer les réseaux.

Nous redescendons ensuite au rez-de-chaussée et nous nous dirigeons vers le jardin. Il n’y a pas de gazon, mais des fou­gères, des plantes couvre-sols, des lierres, des arbustes et des arbres. Ces différentes essences, plantées dans de la terre de bruyère recouverte d’écorces de pins, sont également arrosés avec du goutte-à-gout­te Unitechline ainsi que des couronnes de goutte-à-goutte avec goutteurs Techflow complémentaires pour les arbres.

Enfin, du goutte-à-goutte est également installé pour arroser les jardinières de 80 cm de large présentes sur le toit de la tour (R+16), la toiture végétalisée du bâti­ment accueillant la crèche (R+1) et les jardinières en bois de la toiture du bâtiment de l’avenue de France. Des canalisations en inox ont été mises en place pour relier chaque jardinière entre elles.

 

Après la réalisation de ces travaux d’arrosage bien spécifiques et avec les différentes con­traintes au projet, l’entre­tien de l’arrosage dans les années futures est un facteur important pour Paris Habitat. La nature et les fré­quences d’entretien seront plus importan­tes que pour un projet classique. Les interven­tions et les contrôles réguliers du bon fonc­tionnement de l’arrosage conditionneront la réussite de la végétalisation verticale.