Réservoir de biodiversité, économies d’eau et d’intrants : quand le golf devient vertueux

Consommation excessive d’eau, utilisation intensive de produits sanitaires pour avoir une pelouse impeccable quelques soient le climat ou la saison, les golfs ont été pendant très longtemps accusés d’être le mauvais élève de l’écologie. Le sujet fait encore polémique et le Golf a du mal à se défaire de sa mauvaise image. Mais depuis une quinzaine d’années, les différents acteurs dont la Fédération française de Golf multiplient les initiatives pour rendre les terrains vertueux, et les résultats sont là. Certains sont devenus de véritables réservoirs de biodiversité, et en zone urbaine ou périurbaine, les parcours jouent un véritable rôle de poumon vert.

50 % des 33 000 hectares de golf français constituent des zones de refuge pour la faune et la flore.

 

Les 740 golfs que comptent la France représentent 33 000 ha d’espaces naturels. Les zones enga­zonnées ne représentent que 50 % de la superficie totale du terrain, le reste est constitué d’espaces naturels peu ou pas entretenu. Et c’est là que se développe la biodiversité.

En 2007, la Fédération française de golf s’est rapproché du Museum d’histoire naturelle pour réaliser un inventaire de la faune et la flore du Golf National en vue de la Ryder Cup.

À l’époque, les naturalistes du Museum dépêchés sur le site du golf National ne s’attendaient pas à des résultats aussi positifs. « Nous nous attendions à des espaces très tondus, très artificiels, et nous avons trouvé une biodiversité très riche, ce fut une réelle surprise » explique Philippe Jourdain, responsable des partenariats au Museum d’Histoire Naturelle.

En 2016, la fédération a eu l’idée de lancer un premier programme national d’étude de la biodiversité des golfs français, puis de lancer en 2018 le programme « Golf pour la biodiversité », en délivrant des labels bronze, argent et or récompensant les clubs les plus exemplaires en matière de connaissance, de préservation et de valorisation du patrimoine naturel. Les experts du muséum ont commencé à se familiariser avec les contraintes techniques et liées à l’entretien d’un golf, puis ont rédigé un cahier des charges et constitué un comité scientifique. Cette institution est la caution scientifique du programme et lui donne toute sa crédibilité.

La marche à suivre pour participer au programme est particulièrement bien encadrée. Les golfs candidats signent une chartre d’engagement avant de faire réaliser un inventaire écologique par une structure naturaliste locale (Office National des Forêts, Ligue pour la protection des oiseaux …) qui préconise alors une série d’actions à mettre en œuvre. Le golf candidat doit réaliser deux d’entre elles pour obtenir le label bronze, cinq pour le label argent et la totalité pour l’or.

Exemples d’actions à mettre en œuvre :

• végétaliser les berges des étangs pour offrir des habitats aux libellules et aux amphibiens ;

• conserver les zones arborées, y laisser le bois mort et les feuilles pour créer des refuges pour les insectes et les oiseaux ;

• installer des murets en pierre sèche pour contribuer au développement d’une certaine flore ;

• limiter la lumière artificielle pour protéger les chouettes et les chauves-souris.

Le programme  compte à ce jour 90 clubs labellisés et près de 200 golfs engagés. Les champions sont  le Golf National, et ceux de Chantilly, de la Rochelle Sud, de Merignies et de Terre Blanche, tous en lice pour obtenir le label or.  Mais le label ne s’obtient pas du jour au lendemain et ce fut un travail de longue haleine pour chacun de ces acteurs, très impliqués.

Les résultats obtenus par le Muséum d’histoire naturelle en sont la preuve. « Au total, nous avons répertorié 2 200 espèces de plantes à fleurs sur les golfs, ce qui fait une bonne proportion comparé aux 7 600 variétés recensées en France. Les parcours hébergent 91 es­pèces de libellules, face aux 97 que nous connaissons, et 28 variétés d’amphibiens contre 44 au total répertoriés en France » note Philippe Jourdain. Et il conclue : « Le programme connait un véritable essor, les directeurs de golf sont très impliqués sur les sujets environnementaux et la filière s’investit énormément pour améliorer ses pratiques ».

 

 

In the summer of 2022, many golf courses have been banned from watering their fairways, and in some cases, their tees and greens.

 

Réduction de la consommation d’eau et d’intrants

 

Désormais, nous savons que les sites protégés que sont les golfs constituent de formidables réservoirs de biodiversité pour la faune et la flore. Mais ces espèces ont aussi un besoin vital d’eau, ainsi que les graminées des pelouses à la disposition des joueurs.

Sur les parcours de golf, on trouve la plupart du temps des cours d’eau naturels, des lacs ou des retenues d’eau artificielles, autant de lieux privilégiés pour la biodiversité. 90 % des golfs utilisent des eaux impropres à la consommation humaine pour leur arrosage, et la puisent dans les eaux de surface, les eaux souterraines, les eaux pluviales, les eaux agricoles ou bien, plus rarement, les eaux usées traitées.

La chaleur de l’été 2022 et la sécheresse qui s’en est suivi a encore accentué cette tendance avec la multiplication des arrêtés préfectoraux. Nombreux sont les golfs, notamment dans le Sud de la France, qui se sont vus interdits d’arroser leurs Fairways, et pour certains, également leurs départs et leurs greens mettant en péril leur survie même.

Par ailleurs, en France, moins de 1 % des eaux usées sont traitées et réutilisées, loin de l’Espagne (8 %), de l’Italie (14 %) ou d’Israël (90 %) champion dans ce domaine.

Assouplir la législation et augmenter le pourcentage d’eaux usées traitées pour arroser les golfs serait pertinent pour économiser l’eau.

Par ailleurs, depuis plusieurs années, les golfs testent et implantent de nouvelles variétés de pelouses, plus résistantes à la sécheresse et aux maladies.

Et enfin, la rénovation des systèmes d’arrosage obsolètes installés dans les années 90, avec un matériel d’arrosage de pointe, de plus en plus performant, permet d’arroser au plus près des besoins en eau de la plante, et ainsi de réaliser de considérables économies d’eau.

Dans cette nouvelle configuration, les arroseurs sont repositionnés en triangle, afin d’obtenir un coefficient d’uniformité de l’arrosage optimal. Plus il y a d’arroseurs sur le terrain, et plus les économies d’eau sont importantes. L’installation compte à la fois des arroseurs à secteur et des arroseurs plein cercle avec des buses très performantes.

On préconise par ailleurs l’installation d’un système de gestion centralisée relié à des sondes d’humidité et des stations météo, prometteur tant au niveau du diagnostic qu’au niveau de la communication avec les arroseurs. Ce haut niveau de technologie est en plein essor pour les golfs, qui sont de plus en plus demandeurs d’une gestion raisonnée de leur consommation d’eau.

En période de sécheresse, certains golfs maintiennent leur parcours avec juste ce qu’il faut d’eau pour ne pas que la pelouse grille.

Enfin, en faveur de l’environnement également, 70 % de la surface des golfs sont entretenus sans produits phytosanitaires, et conformément à la loi Labbé 2, ce sera 100 % d’ici à 2025.

 

Les golfs apprennent à gérer l’eau de manière plus raisonnée, et en 20 ans, malgré les effets du réchauffement climatique, les golfs ont réduit leur consommation de 14% et continuent à économiser cette ressource. Les joueurs doivent accepter que certaines zones de jeu ne soient plus manucurées, moins beau pour le regard mais meilleurs pour la biodiversité et la préservation de la précieuse ressource qu’est l’eau.